Le Wati Watia Zorey Band est un joyeux bazar, un savoureux micmac mené par six musiciens zorey (ou zoreilles), c’est-à-dire non créoles. Ce surnom désigne les métropolitains récemment arrivés sur les îles, qui peinent à saisir les accents et demandent à répéter pour mieux comprendre. C’est un clin d’œil de la part de Rosemary Stanley et Marjolaine Karlin, qui ont tendu leurs oreilles pour saisir toute la créolité de la Réunion, leur patrie choisie, à laquelle elles rendent hommage avec ce projet. Un violon, un fifre, et le ciel immense s’offre à nous. Deux voix le traversent, un duo d’hirondelles jouant de leurs perpétuelles retrouvailles, rejointes par des percussions cognant comme des vagues sur des côtes déchiquetées. C’est l’ouverture de l’album Déliryom, le début de ce wati watia.

Rosemary Standley et Marjolaine Karlin se sont rencontrées lors d’un concert de maloya réunionnais à Paris. C’était en 2008. Leur fascination pour l’île, ses rythmes, sa langue née pour la poésie les a réunies –  tout comme leur amour pour Alain Peters, poète majuscule et vagabond céleste, ou plutôt son fantôme, puisqu’il s’est éteint en 1995, laissant derrière lui une vingtaine de chansons qui ont dessiné un horizon fécond pour tous les musiciens de la Réunion… et d’ailleurs !

Cinq ans après avoir donné naissance à un premier album (Zanz in Lanfèr, 2016), les deux chanteuses poursuivent ce grand voyage, explorant d’autres morceaux forgés au fil des concerts, toujours en compagnie du percussionniste Salvador Douézy, et de nouveaux zorey qui les ont rejoints. Au Bout du Monde, ils nous invitent à cette belle parenthèse rythmée au milieu des îles où la musique et le chant sont bien plus que des divertissements : une manière d’être au monde.

Une rencontre proposée par Alexandre Raphalen et Pierre